Gnose: Sophia et Salomon.
Sophia, la déesse de la Sagesse, est au coeur des ouvrages Gnostiques qui datent du 4 ème siècle et qui ont été découverts à Nag Hammadi, dans la Haute-Egypte, en 1945. Elle apparaît également dans la littérature de Sagesse de l'Ancien Testament, appelée “livres sapientiaux”, et qui datent de la période du 4 ème au 1 er siècles avant l'Ere Commune. Bien que les livres sapientiaux soient antérieurs aux Codex de Nag Hammadi, le personnage divin de la Sagesse n'en est pas originaire. La Sophia Gnostique est une version de la Grande Déesse célébrée dans tout l'ancien monde, et pas exclusivement ou originellement dans la tradition Judaïque. Les sources Judaïques, cependant, présentent des notions essentielles pour la compréhension de la trame Gnostique.
Selon le livre apocryphe de la Sagesse de Salomon (9:8-11), Sophia instruisit le roi quant à la manière de construire le Temple de Jérusalem. En son honneur, il érigea, dans le sanctuaire intérieur, un arbre sacré, symbole de la déesse Canaanite Asteroth. A la suite des réformes du Roi Josiah (aux alentours de 650 av. EC), les scribes Juifs supprimèrent rigoureusement toute référence à Asteroth mais elle continua d'être considérée comme le consort de Yahvé dans la religion populaire et dans les groupes hérétiques Juifs proches du Gnosticisme. Dans la bataille doctrinale relative au Divin Féminin, la littérature de Sagesse joue un rôle essentiel en démontrant où se situaient les limites. La figure de Sophia ne pouvait pas être éliminée mais elle fut progressivement pervertie.
Dans le canon Biblique, la “Sagesse de Dieu” devint un vecteur d'expression didactique, morale et poétique et la déesse perdit son caractère autonome. Dans les Psaumes et les Proverbes, elle personnifie une métaphore pour la voix de la conscience qui se soumet aux diktats vertueux du Seigneur. Dans le Chant de Salomon, la Sagesse conserve le caractère de la prostituée sacrée et amante du roi qui le sanctifie avec la puissance du Divin Féminin. En termes moraux et sensuels, Sophia survit, mais à peine.
L'Ancien Testament conserve également quelques vestiges de la dimension planétaire de la déesse Sagesse. Proverbes 8 présente une arétologie par laquelle la déesse s'annonce à la première personne et loue ses propres attributs:
“L’Éternel m’a créée la première de ses oeuvres, avant ses oeuvres les plus anciennes.
J’ai été établie depuis l’éternité, dès le commencement, avant l’origine de la terre.” (8:22-23).
Le passage entier ne fait que neuf vers mais il révèle un élément essentiel du mythe de la Sophia Païenne: “avant l’origine de la terre”. Cette phrase prouve que la déesse Sagesse préexistait à la terre bien qu'elle lui soit identifiée, selon l'arétologie qui met en exergue ses attributs terrestres. Proverbes 8 laisse entendre que Sagesse est une divinité préexistante qui s'incarne dans la terre - une assertion qui sera complètement développée dans la narration Gnostique de la déesse déchue.
“L'Hymne à Sophia”, du livre non Biblique La Sagesse de Salomon (7:22-25), présente Sagesse dans Son aspect cosmologique sublime comme l'esprit demeurant en la planète et l'instructrice divine de l'humanité:
“Sagesse, qui créa toute chose, m'enseigna
Car il existe en Elle une puissance qui est intelligente et sacrée
Unique, diverse et sublime,
Mobile, claire et indéfinie,
Distincte, compassionnée, bienveillante et pertinente
Libre, bénéfique et généreuse,
Ferme, assurée, autonome
Influant tout et observant tout
Et pénétrant tous les êtres
Qui sont intelligents, purs et aussi subtiles qu'Elle,
Car Sagesse est plus mobile que tout mouvement
Et Elle imprègne et pénètre toute chose
Car Elle est l'exhalation incarnée de la puissance divine.”
Il est difficile de trouver une déclaration plus manifeste de la divinité de la terre dans tout autre passage de la tradition Judéo-Chrétienne, tradition qui est d'ailleurs foncièrement opposée à de telles affirmations. Les écrits religieux Juifs honorent la terre comme une oeuvre émanant de la puissance créatrice de Dieu le Père mais, suivant les prérogatives de Josiah, il était hérétique de conférer à la planète une nature sacrée intrinsèque. Le passage ci-dessus implique, cependant, que la terre est divine non pas parce qu'elle est l'artefact bien conçu du dieu créateur paternel, Yahvé, mais parce qu'elle est l'incarnation même de son consort écarté, Sophia. Cette distinction rappelle les prémisses de l'écologie profonde selon lesquelles la terre possède une valeur intrinsèque, indépendamment de son utilité pour l'humanité et (ajouterais-je même) indépendamment de la manière dont elle sert les croyances religieuses obsédées par l'omnipotence paternelle.
Imagination Appliquée
L'hymne Salomonien à Sophia préfigure la narration Gnostique peu connue de la déesse déchue. Ce mythe fut la clef de voûte de la tradition des Mystères Païens dont les gnostikoi, “ceux qui connaissent les matières divines, comme dieu les connaît”, étaient les fondateurs et les guides. Il y a plus d'un siècle, G. R. S. Mead observa que “ce sont les formes Gnostiques qui, plus que tout autre système, sont estimées préserver pleinement les éléments des traditions antiques des Mystères”; cette opinion a été, cependant, ignorée par les érudits qui ne trouvent dans le Gnosticisme que les éléments rejetés par les dogmes Chrétiens primitifs. Par conséquent, il n'y a eu que peu ou pas d'intérêt pour recouvrer le mythe intégral de Sophia qui structura la narration sacrée des Mystères Païens. Cela n'est pas un problème académique mais une crise de l'imagination humaine - une crise qui est clairement indiquée dans le mythe lui-même, comme nous le verrons. Les maîtres Gnostiques des Mystères estimaient qu'une théorie sacrée de la terre requérait la puissance de l'imagination ou, pourrait-on dire, de l'imagination appliquée afin que l'humanité pût participer activement à l'histoire vivante de la déesse déchue. Même les éléments parsemés dans les écrits sapientiels pavent le chemin vers cette vision sacrée; néanmoins, c'est l'histoire de la Sophia Gnostique qui parvient à l'expression épanouie d'un mythe planétaire interactif.
Dans Où finit le Désert, Theodore Roszak observa que l'histoire de la rédemption Judéo-Chrétienne, en présentant un scénario linéaire, machiste et supervisé par une divinité extra-terrestre, a atrophié les pouvoirs mythopoétiques innés à l'espèce humaine:
“Le Christ appartient à l'histoire; ses rivaux ne sont que des mythes. L'avènement du Christianisme a clairement provoqué une transformation profonde de la conscience qui a sévèrement endommagé les pouvoirs mythopoétiques - et beaucoup plus même que cela fut le cas avec le Judaïsme.”
L'histoire du récit Biblique avant l'ère commune, et la guerre subséquente contre l'hérésie Gnostique menée par les Pères de l'Eglise, témoignent de l'immense effort requis pour dénier l'origine sacrée de la terre telle qu'elle est narrée dans le mythe de la déesse déchue, Sophia. La réalité de l'aspect sacré de la terre dépend de la capacité d'y participer, la faculté cognitive de connaître Gaïa de manière intuitive et empathique. Le mythe lui-même affirme que Sophia fit don à l'humanité de l'imagination, “l'epinoia lumineuse”, afin que les humains pussent participer à Son Histoire par la pensée créative ou imaginale: “l'epinoia lumineuse fut conférée à l'humanité car c'est de sa puissance que son penser allait s'éveiller” (NHLE 117:21).
Le mythe sacré de Sophia est interactif et transhistorique. L'hérésie condamnée par les Pères de l'Eglise n'est pas, et n'a jamais été, une simple matière de dispute académique. C'est le feu aux poudres pour la participation imaginative. La répression du Divin Féminin est une réalité de l'histoire et c'est aussi une partie de la biographie mythique de Sophia. Les puissances déployées contre l'imagination humaine sont clairement décrites dans le mythe. Selon les Gnostiques, la rédemption de Sophia dépend de la participation de l'humanité à Son histoire, le mythe unique qui décrit la déesse qui existait “avant l'origine de la Terre”. Dans les Mystères, Sophia était le nom de celle que l'on appelle maintenant Gaïa, mais avant que Gaïa ne devienne la terre sensuelle et accueillante.
La Mère-Père Parfaite
Le mythe survit dans deux sortes d'écrits: tout d'abord, dans les Codex de Nag Hammadi et secondement, dans les polémiques des Pères de l'Eglise, rédigées pour réfuter les enseignements Gnostiques et pour condamner les Mystères dédiés à la Magna Mater. Des ouvrages cosmologiques tels que Sur l'Origine du Monde et le Traité Tripartite décrivent comment Sophia, une divinité (Eon) dans la communauté du Plérome (Plénitude Divine) de dieux supra-terrestres, aspira à s'impliquer dans la manifestation active de mondes extérieurs. (110:9-10).
Les Gnostiques enseignèrent que les Eons, généralement, ne traversent pas les limites cosmiques, appelé l'hymen, au travers desquelles ils émanent le potentiel brut de mondes matériels. Ils restent à demeure dans le Plérome, la matrice cosmique de potentiel infini. Mais Sophia était une exception. Le mythe met en exergue Son désir de participer à l'élaboration d'un monde, mais pas de n'importe quel monde. Le monde que Sophia anticipe ne va curieusement s'incarner qu'au travers de Sa propre métamorphose. Telle est la destinée étrange de la déesse déchue.
Les Eons oeuvrent au travers de l'ennoia, l'intentionnalité. Ils projettent la forme-semence d'un monde conscient à partir de la matrice cosmique et ils lui permettent ensuite de se développer par lui-même, d'être auto-générant. Le terme autogenes dans les Codex de Nag Hammadi est proche de la notion courante d'autopoésie qui est amplement débattue dans le contexte de l'hypothèse Gaïa proposée par James Lovelock et Lynn Margulis. Le mythe de Sophia résonne avec la théorie Gaïa mais il situe le principe d'autogenèse dans un événement préterrestre. Avant que la terre n'existât, Sophia et Christos, un autre Eon, se joignirent dans un acte cosmique de propagation, une danse d'union sacrée au coeur des cieux, le Plérome (233:82). Les deux Eons reçurent de l'Eon suprême, l'Originateur, une potentialité sans forme à configurer en une impulsion évolutive distincte. L'Originateur (Propater) est la source cachée de toute innovation (monogenes, singularité) dans le cosmos mais les Eons, ou Totalités de divinités génératrices, confèrent une forme et une intention à de telles innovations (72: 76-78). Christos et Sophia réalisent ainsi cela en imprégnant de leur divine intention le prototype d'une espèce émergente, l'Anthropos. Dans un certain sens, ils sont les parents divins de l'humanité mais ils n'engendrent pas l'espèce naissante, ils ne font que l'émaner, oeuvrant “de manière imaginative” (73:78).
La procréation à deux parents produit une progéniture physiquement éloignée de la source parentale tandis qu'avec les Eons, “la procréation est l'image d'un processus d'extension” et non pas de séparation (71:72). La nature de leur union est vacuité et compassion, et comparable à la dynamique des divinités Tibétaines dans l'union Tantrique, yab-yum. L'Apocryphe de Jean appelle l'unité de dyade divine “la Mère-Père sacrée et parfaite” (113:14), une traduction exacte de yab-yum. Les Gnostiques rejetèrent la procréation biologique comme étant l'expression d'une divinité inférieure, extra-Pléromique ou d'une pseudo-divinité, le Démiurge. Les raisons à l'origine de cette position hérétique se clarifieront au fil de l'exposé de cette histoire sacrée.
Une fois que l'espèce naissante a été configurée, la communauté entière des Eons la projette en dehors du Plérome, la sphère du potentiel infini, dans le Kérome, la sphère de l'insuffisance ou du potentiel fini. Elle va s'y développer selon ses lois propres, en se semant elle-même dans des mondes en élaboration. Le mythe Gnostique valide donc la théorie de la panspermie, la fécondation de la vie planétaire à partir de sources extra-terrestres, initialement proposée par Svante Arrhenius autour de 1910 et maintenant largement acceptée par les astronomes et les biologistes. Si Gaïa est un laboratoire panspermique, comme Lynn Margulis et d'autres l'ont suggéré, alors l'origine extra-terrestre de l'espèce humaine a été explicitée dans la narration des Mystères.
Le Désir Divin
L'implication spécifique de Sophia avec l'humanité, (l'Anthropos) commence bien avant que la terre n'existe. En tournant son regard vers l'extérieur du Plérome, la déesse se sent attirée par ce que cette espèce singulière pourrait accomplir, une fois qu'elle acquiert un monde pour y demeurer. D'une manière similaire aux ancêtres du Temps du Rêve (DreamTime) d'Australie, Elle rêve les esquisses formatrices d'un tel monde. On pourrait la comparer à une femme enceinte qui imagine, voluptueusement, une vie pour son enfant à naître - mais l'analogie biologique est trompeuse, pour les raisons déjà mentionnées. Sophia n'a pas conçu l'humanité avec Christos par une union procréatrice matérielle mais par un acte imaginatif extatique. L'Eon fut ensuite poussé à se demander comment cette espèce particulière allait incarner sa faculté de divine intelligence, le noos. Ses questions quant au potentiel humain éveillèrent l'enthymesis, “la passion brûlante, l'impétuosité”, d'une manière extrême et inhabituelle pour un Eon.
L'histoire sacrée affirme que Sophia aspire à fusionner avec ce qu'Elle a imaginé mais elle se permet cette fusion par elle-même, indépendamment d'un autre Eon (110:9-10). Un Exposé Valentinien dit que “c'est la volonté de l'Originateur que rien ne se manifeste dans le Plérome si ce n'est sous la forme de syzygie, d'une union” (486:36). L'Originateur souhaite que toute activité dans le Plérome soit accomplie par un couple d'Eons - dans l'observance de la loi de parité, si l'on veut - mais ce n'est pas une règle rigide et elle n'est imposée. Avec l'union de Sophia et de Christos pour configurer l'Anthropos, la loi cosmique fut observée.
Mais les exceptions sont permises et la divine Sophia en sera une.
Poussée par un désir brûlant, la déesse plonge du centre cosmique dans le Kérome, le chaos des mondes matériels. Son impact dans les régions extérieures est soudain et gigantesque, produisant une vague de choc qui engendre une espèce bizarre, les Archontes. L'Hypostase des Archontes appelle cette violente éruption de formes de vies étrangères un “avortement”, ce qui signifie une fausse couche spontanée de puissance divine (167:94). Cet événement prématuré génère une situation extrêmement problématique pour Sophia, une situation dans laquelle l'humanité fut profondément impliquée avant même qu'elle n'émergeât de son état larvaire de potentiel pur et non exprimé.
Les Archontes fabriquent un monde virtuel ou stéréome, modelé sur les structures cosmiques dans le Plérome, mais ils le font machinalement, en extrayant du pouvoir créateur de la déesse sans en connaître la source. Dans l'histoire sacrée des Mystères, notre système planétaire émerge avant la terre en raison de l'action prématurée d'une espèce extra-terrestre. (Il n'est pas étonnant que cet aspect du mythe de Sophia ait été qualifié de “science-fiction théologique” par un érudit, Richard Smith). Le chef des Archontes est Yaldabaoth, le Démiurge, une pseudo-divinité démente qui se prend pour le créateur suprême. “En raison de la gloire de la puissance qu'il possédait de la lumière de sa Mère, il s'appela lui-même Dieu” (111:12). Les Gnostiques identifièrent audacieusement le Démiurge avec Yahvé et condamnèrent la divinité Biblique comme un monstrueux tyran qui oeuvre contre l'humanité. C'était, et cela l'est encore, le message central de l'hérésie Gnostique.
La déesse déchue se trouve maintenant face à deux problèmes. Confrontée au système de monde artificiel des Archontes, Sophia se métamorphose lentement de sa forme Pléromique en un corps matériel dense. “L'intensité de sa lumière divine s'estompa” (111:13), mais une lumière céleste vient à sa rescousse. Les cosmologies de Nag Hammadi décrivent une séquence complexe d'événements par laquelle l'Eon Sophia aligne son pouvoir avec une étoile nouvellement née qui a émergé dans le Kérome, le chaos, à l'extérieur du coeur galactique, dans lequel les Archontes pullulent. Au contraire de l'Anthropos, les Archontes n'ont pas été émanés du coeur galactique. Ils constituent une aberration extra-Pléromique, l'effet collatéral de la chute de Sophia. Afin de l'aider à gérer ces conditions bizarres, la déesse trouve un allié en Sabaoth, le soleil nouvellement né, qui est aussi une entité chaotique, extra-Pléromique, à l'image des Archontes.
Le “repentir de Sabaoth” est un épisode cinématographique coloré dans l'histoire sacrée (174:103-104). Sur l'Origine du Monde raconte comment Sophia, après s'être renforcée par cette alliance, confère une puissance unique au soleil nouveau né: “Sophia déversa sur Sabaoth un éclat de sa Lumière Divine en reconnaissance de sa condamnation des Archontes. Lorsque Sabaoth reçut cette lumière, elle reçut également une grande autorité sur les pouvoirs du Chaos” (175:103). Par conséquent, Sophia sera liée au soleil au travers de sa “fille née de la flamme”, Zoé, la vitalité éternelle (168:95-96). “L'accouplement structurel” du soleil et de la terre est un concept avéré dans la théorie Gaïa.
L'Enfant Lumineux
L'histoire des Mystères est participative, décrivant le rôle de l'humanité dans l'histoire de la métamorphose étrange de Sophia. A la suite de la conversion du soleil, Sophia condamne le Démiurge et prédit le triomphe de l'humanité sur l'influence simulatrice des Archontes (174:103).
“Tu te trompes Samaël”, ce qui signifie “dieu aveugle”. Il existe un enfant immortel de lumière qui vint à l’existence avant toi et qui se manifestera parmi tes formes dupliquées, qui te réduira en poussière tout comme l’argile du potier est pilée... Et tu retomberas dans l’abîme, ta mère, avec tous ceux qui t’appartiennent... L’Humanité existe, et la descendance de la souche humaine
Sophia déclare que l'humanité va surmonter l'envoûtement des Archontes, des entités qui peuvent pervertir l'évolution humaine de façons étranges et non détectables. Mais l'humanité, l'émanation Pléromique de l'innovation, a besoin d'un monde dans lequel demeurer avant qu'elle ne puisse évoluer et assumer ses responsabilités dans le cosmos. Un tel monde, normalement, devrait émerger automatiquement selon les lois du Kérome, le chaos extérieur. Mais la chute de Sophia constitue une exception rare dans l'ordre cosmique: Elle va Elle-même se métamorphoser en la planète porteuse de vie en laquelle l'humanité va demeurer. Le mythe implique que la terre formée par la force divine de la déesse déchue n'appartient pas au système planétaire mais en est seulement la captive.
L'epistrophe de Sophia, Sa conversion dans les éléments de la biosphère, ne survit pas dans les écrits attribués aux Gnostiques mais seulement dans les paraphrases d'Irénée, un Père de l'Eglise. Le livre IV de Contre les Hérésies rapporte comment la déesse se métamorphose en la planète terre, ses émotions devenant les éléments de la biosphère. Apparemment étonné et rendu perplexe par ce développement, Irénée dit que Sophia doit avoir été “poussée par l'amour ou une envie audacieuse”. Plongée dans les éléments matériels et immergée dans la sensualité, la déesse est appelée prunikos, “outrancière” et dénommée, de façon insultante “la Putain de la Sagesse” en raison de son acte étrange de fusion.
Telle est la première partie de la biographie sacrée de la déesse de Sagesse. Elle explique comment Celle qui exista avant l'origine de la terre devint la terre. La seconde partie de la biographie de Sophia concerne sa correction, diorthosis, le processus par lequel Elle se réintègre au Plérome, le coeur cosmique de notre galaxie. Bien que les écrits Gnostiques qui ont survécu ne soient pas explicites quant à la façon dont la correction se manifeste, ils ne laissent aucun doute sur le fait que l'humanité est profondément impliquée dans ce processus: “Et la lumineuse epinoïa fut caché en Adam afin que les Archons ne puissent pas avoir accès à ce pouvoir et afin que l’épinoïa puisse être une correction à la déficience de Sophia” (116:20).
Le mythe Gnostique de la terre sacrée est ouvert. Sa conclusion n'a pas été prédéterminée par la volonté d'un être supérieur mais il peut être influencé par la volonté humaine d'embrasser l'épreuve de Sophia et d'achever avec Elle son aventure cosmique. L'histoire de Sophia devenant Gaïa est un mythe de rédemption avec une orientation féminine et beaucoup plus. C'est un mythe écoféministe de régénération et peut-être le mythe ultime de survie pour l'espèce humaine.
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